Balade (libre)

Mononoké trottinait entre les arbres la tête en l'air. Ces bouleaux étaient vraiment superbes, sublimés par le soleil qui perçait à travers leurs feuilles : le blanc de leur tronc semblait briller, tout comme son beau pelage immaculé. Elle se sentait bien ici. Malgré le calme, la forêt était loin d'être silencieuse : cris d'écureuils, chants d'oiseaux, craquement de branches, froissement de feuille... La louve esquissa un sourire jaune. Tout était trop parfait ici, des choses affreuses allaient certainement s'y passer. Après tout, c'était un lieu merveilleux pour suivre quelqu'un en douce et lui sauter à la gorge sans qu'il s'en rende compte, car le sol était recouvert d'une épaisse couche de mousse. C'était un beau labyrinthe pour louveteau aussi, tous les arbres ressemblant exactement à son voisin. Bel endroit également pour se rouler un boule dans un coin en cas de déprime, loin du monde. Pas que ce soit dans ses habitudes, loin de là, mais le lieux s'y prêtait parfaitement.

Soudain, un bruit lui parvint aux oreilles. Oui, elle le voyait : là-bas, un lièvre. Du pas silencieux qui la caractérisait, elle s'en approcha, et sans crier garce, lui sauta dessus et lui brisa la nuque. Pauvre bête imbécile, c'était trop facile.

Quelques secondes plus tard, son regard gris parcourait de nouveau des arbres autour d'elle. Elle entendait les pas d'un loup.

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Il n’avait plus rien à faire ici. Ce n’était plus sa meute et encore moins sa famille. Pourtant, l’ancien Ulym parcourait ces terres qu’il connaissait si bien. Cela faisait deux jours qu’Enoah l’avait banni. Il se demandait d’ailleurs ce qu’elle avait prétexté pour expliquer son choix. Bien que ce ne serait pas bien difficile à imaginer, après tout, cela faisait trois ans qu’on l’appelait le fou. Le démon fou des Ulym. Sans doute le plus sanguinaire, mais jamais assez pour qu’on lui dise qu’il ferait mieux d’aller chez les Shynnee. Non. Mais c’était du passé. Aujourd’hui, il était solitaire. Aujourd’hui, il était libre. Et ne pas suivre les ordres d’une louve se prétendant être quelqu’un d’autre était une bonne chose.

Il connaissait ce territoire par cœur. Même aveugle il aurait pu retrouver son chemin sans jamais venir se cogner la tête contre un arbre. Son pas se situait entre le trot et la marche. Il se situa d’ailleurs sur les terres de son ancienne meute pour une seule et simple raison. Provoquer cette dernière. Et il voulait vraiment savoir ce qu’Enoah avait dit à son sujet. Qu’il sache à quoi s’attendre.

Et par chance, il finit par apercevoir une Ulym au lointain. Son pas ce fit alors plus lent, laissant le temps à la louve de s’apercevoir de sa présence. Lui laissant également le temps de se rendre compte qu’elle avait devant elle le dernier loup en nom banni de la meute. Ha, comme c’était drôle. S’arrêtant alors, un rictus amusé vint se peindre sur ses babines. Allait-elle venir, le chasser ou encore le laisser tranquille ?

Ah, ça y est, elle pouvait le voir. Un sourire cynique s'afficha sur son visage. Elle connaissait ce loup de nom, Deamon. Mauvaise réputation, qui se justifiait apparemment puisqu'il venait de se faire exclure de la meute. Elle le détailla du regard en se redressant. Plus grand qu'elle et largement plus fort, mais elle devait pouvoir le semer à la course.
Il restait cependant dangereux, d'autant plus qu'à sa place, elle se vengerait de la dominante, et quoi de mieux pour cela que d'attaquer une de ses sujets ? Quand elle parlait de malheur arrivant dans ces lieux tout à l'heure, elle ne s'imaginait pas à ce qu'il lui tombe comme ça dessus. Non pas qu'elle avait peur. Ça, jamais. Par contre, elle était bien curieuse de ce personnage, et ça risquait de lui causer des problèmes. Peu importe, après tout, si l'on doit vivre, autant le faire dangereusement.

"J'ai entendu dire que vous n'étiez plus le bienvenue sur ces terres ?"

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Son rictus ne le quitta pas. La louve n’avait pas peur et contre toute attente, elle semblait être curieuse. Alors, il s’avança encore d’elle. Jamais assez pour qu’elle ait l’impression qu’il allait l’attaquer. Mais il ne resta pas non plus trop loin pour lui laisser une chance d’appeler des renforts.

« Ne vous inquiétez pas, personne n’est venu me le souhaiter. »

Il parlait soit en phrases tout à fait compréhensible, soit en phrases approchant dangereusement des citations inconnues de tous qu’il était le seul à pouvoir comprendre. Mais ici, ses paroles avaient un double tranchant. Trace d’ironie tout en dévoilant la chance qu’avaient eue les Ulym à ne pas être venu le chasser. Il aurait aimé en démolir un, franchement. D’ailleurs, l’envie meurtrière qu’il ressentait à cet instant était belle et bien présente. Mais à quoi bon, quand il avait le pouvoir d’un secret bien gardé sur la dominante ?

« Feriez-vous exception ? »

Le loup noir s'approcha d'elle, gardant une distance respectable cependant. Ne vous inquiétez pas, personne n’est venu me le souhaiter. Feriez-vous exception ? Ce loup avait l'air intéressante, oui. Il parlait bien, ce qui n'était pas le cas de tout le monde. Il y avait quelque chose de fascinant et d'effrayant à la fois qui émanait de lui. S'il n'avait pas été fou, il aurait probablement pu être un bon leadeur.

Mononoké commença à marcher entre les arbres en gardant son regard sur lui. Le lièvre lui était totalement sortie de la tête. Pour l'instant, tout son attention était portée sur lui.


"Pas vraiment. J'attends de voir pourquoi vous avez ... quitté la meute avant de faire mon choix."

Son regard était amusé, sans trace de peur ou de méfiance ce qui était stupide. Elle n'était pas immortelle après tout.

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La louve semblait avoir oublié son gain. Maintenant, sachez qu’il n’était pas un incapable et qu’il savait parfaitement chasser seul. Mais, paresseux, il n’avait rien contre un bon repas gratuit. Alors, quand la louve s’éloigna de sa proie, le mâle se rapprocha d’elle, la contournant pourtant lentement. Son seul but était naturellement le lièvre. Le regard amusé de la louve et son comportement des plus calmes l’incitaient à se montrer aimable. Et non à suivre les idées qui lui trottinaient l’esprit. Leurs pelages d’un contraste aveuglant, le mâle noir ne pu qu’une nouvelle fois s’amuser d’un fait. Les louves étaient généralement un peu plus petite que les mâle. Et ça donnait toujours un sentiment de supériorité.

« J’ai été banni, très chère. »

Peut-être devrait-il faire semblant de prétendre le contraire, dire par fierté que s’était lui et lui seul qui avait décidé de quitter les Ulym. Mais ce n’était guère la vérité. Ses pattes s’immobilisèrent sous son corps alors que son regard d’une étrange lueur orange se fixa dans les yeux gris de la louve.

« La position d’alpha finit toujours par tôt ou tard attirer les sous-fifres de la meute. Je ne fais pas exception. »

Mononoké le regarda s'approcher de son lièvre sans rien dire. Elle l'avait déjà oubliée, et, bonne chasseuse, elle savait qu'elle n'aurait pas de problème à en tuer un autre. Si elle avait vraiment eu fin, ça aurait été une autre affaire : elle était généralement assez possessive. Deamon sembla s'amuser de quelque chose, mais elle ne pouvait savoir quoi. J’ai été banni, très chère. Elle eu un petit sourire. Étrange, pour un mâle, d'avouer ça. D'habitude, ils avaient la mauvaise habitude de mentir pour protéger leur égo. La position d’alpha finit toujours par tôt ou tard attirer les sous-fifres de la meute. Je ne fais pas exception. Elle haussa les épaules, soutenant son étrange regard oranger de son étrange regards pâle, et répéta une phrase qu'elle avait entendu autrefois.

'On meurt tous un jours, qu'on soit mendiant ou empereur n'y change rien. Et puis, être alpha, c'est prendre la responsabilité des autres, c'est renoncer à sa liberté. Je n'y vois pas d'intérêt."

Elle secoua la tête, l'air de s'agacer elle-même de ce qu'elle disait, et continua de tourner autour du loup pendant qu'il mangeait son lapin.

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Atteignant enfin la proie de la louve, le mâle quitta du regard cette dernière pour se poser sur l’animal mort. Le corps inerte du petit animal ressemblait vaguement au corps d’un louveteau qui aurait eu la malencontreuse chance de tomber d’une falaise. La louve ne semblait pas dérangée du fait qu’il allait manger sa proie. Pourtant, elle n’était pas une chasseuse. Et si on la prenait à nourrir le nouvel ennemi de la meute, elle passerait un mauvais quart d’heure.

Écoutant les dire de la blanche tout en dévorant le lièvre, -car il ne s’amusait pas à mâcher une petite bête qu’il pouvait avaler en deux trois boucher à condition de le réduire en morceaux-, il fût en quelque sorte étonné qu’elle pense de la sorte. Bien sûr, elle avait raison. C’était se priver de liberté et.. N’étais-ce pas justement ce qu’il cherchait à faire ?

« Iriez-vous donc prétendre que vous ne vous êtes jamais imaginé à la tête de votre propre meute ? La position du pouvoir, la position suprême qui vous apporterait contrôle et supériorité ? »

En le regardant manger le lièvre, elle se demanda combien ça devait faire mal, un coup de crocs de ce loup-là dans un combat. Il devait sûrement arracher un beau bout de chaire à chaque fois. Tout en marchant, elle commençait à avoir des images dans sa tête, à s'imaginer un combat entre eux. Ça se terminait plutôt mal pour elle, il fallait être honnête. Deamon la tira de ses pensées en lui répondant. Iriez-vous donc prétendre que vous ne vous êtes jamais imaginé à la tête de votre propre meute ? La position du pouvoir, la position suprême qui vous apporterait contrôle et supériorité ? Elle eût un petit rire.

"Mon égo va très bien, il n'a aucun désir de se sentir supérieur."

Puis elle tempéra ses propos :

"J'imagine que tout le monde se pose cette question au moins une fois, cependant, ne serait-ce que par le biais d'un "à sa place de dominante, j'aurais fait ça différemment". Mais ça s'arrête là."

Elle le fixa intensément pendant un moment, puis finalement enchaina :

"Je ne vous imaginais pas comme quelqu'un de préoccupé de l’opinion des autres et à la recherche de reconnaissance."

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Elle était intéressante. Drôle, amusante et trop curieuse pour avoir commencé une discussion avec un loup qui fût anciennement un membre de sa meute. Ne savait-elle pas qu’il avait attaqué Enoah ? Il était sûr que cette dernière en avait tiré profit. Et bien que cela ait été une de ses moins bonnes idées, il ne la regrettait pas.

Il pouvait parfois se montrer impulsif mais ne regrettais jamais ses actes. Il n’en serait pas capable, d’ailleurs. Terminant son repas en quatre bouchées, il ne resta du lièvre plus que les quelques traces de sang sur le sol.

Et c’est là que le pelage noir du mâle lui procurait un semblant d’avantage en plein jour, il n’avait pas le museau ensanglanté. En principe, c’était le cas, mais sur un museau blanc c’était là bien plus voyant que sur un museau noir.

« Je ne souhaite pas devenir dominant pour une raison aussi absurde que mon égo. »

Bien qu’avoir des sous-fifres devait être pratique. Certes. S’asseyant comme si de rien n’était, le loup tenait une nouvelle fois le regard de la demoiselle. Il était presque aussi amusé qu’elle.

« Je souhaite l’être car la vie est bien trop monotone sinon. Et qui sait, si ça m’occupe, pourquoi ne pas le rester ? Je ferais un bon dominant, bien qu’Enoah ait eu raison de ne pas me céder sa place. Vous n’êtes pas exactement le genre de meute qui me convient. »

Deamon avait terminé la proie en un rien de temps. Oui, décidément, la louve préférait ne pas se battre avec lui. Cela finirait peut-être par arriver, mais autant que ce ne soit pas aujourd'hui. Je ne souhaite pas devenir dominant pour une raison aussi absurde que mon égo. Un léger étonnement s'alluma dans le regard de Mononoké. Quelles raison pouvait-il avoir mis à part celle-là ? Je souhaite l’être car la vie est bien trop monotone sinon. Pour éviter l'ennuie... Quelle drôle d'idée. Pourtant, elle pouvait le comprendre. Elle-même s'ennuyait souvent, trouvant sa vie bien trop paisible. Et qui sait, si ça m’occupe, pourquoi ne pas le rester ? Je ferais un bon dominant, bien qu’Enoah ait eu raison de ne pas me céder sa place. Vous n’êtes pas exactement le genre de meute qui me convient. Elle sourît, et s'arrêta de marcher.

"Vous recherchez quoi... Des sanguinaires obéissants, comme les Shynnee ? Souvent trop cruels pour avoir le moindre intérêt intellectuel, simplement bon pour tuer pour le plaisir ou sous les ordres ? Bonne compagnie. Plutôt ennuyeuse cependant. "

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La louve portait la meute Shynnee en haute estime. Ironie du sort, elle ne semblait pas être la seule à penser que les Shynnee étaient des écervelés. Mais sa façon de le dire était tout bonnement hilarante. Si le loup aurait pu faire preuve d’une réelle joie, il en aurait ri. Pourtant, il savait comment imiter les sentiments et les réactions des autres. Il n’en jugeait tout simplement pas l’utilité en ce moment. Un ricanement cynique vint s’ajouter à ses pensées amusées.

« Les Shynnee ne sont que des insectes se prétendant être sanguinaire. »

Il passa d’humeur amusée à sérieuse en un quart de seconde, avant de reprendre sur un ton plus distant quant à son mépris pour ceux qui n’aimaient le sang et le combat. Tout le monde avait ses propres goûts, après tout.

« Ils seraient d’un ennui mortel. Mais de réels sanguinaires ne peuvent coexister. Cependant, si certaines valeurs leurs sont inculqués, si l’on réussit à les faire voir les choses de la même façon que soi, alors, ils peuvent devenir un groupe soudé. L’intelligence n’a rien à voir avec ce qu’on est, mais avec qui l’on cherche être. »

Voulait-il forcément faire pire ? Oui. Il avait après tout un esprit rempli de stratégies potentiellement dangereuses. D’ailleurs, bien qu’il soit incapable de faire preuve de sentiments, il était un bon acteur. Et il avait cette façon bien à lui de comprendre les choses plus rapidement que ceux l’entourant. Bien que c’était tout à fait normal, il passait la plus part de son temps à observer la moindre réaction de ses congénères.

« Si un jour j’arrive à mes fins, très chère, vous regrettez la meute Shynnee. »

Les Shynnee ne sont que des insectes se prétendant être sanguinaire. Bon, ils étaient d'accord sur un point. Le ricanement qu'il avait fait n'annonçait rien de bon par contre. Ils seraient d’un ennui mortel. Mais de réels sanguinaires ne peuvent coexister. Cependant, si certaines valeurs leurs sont inculqués, si l’on réussit à les faire voir les choses de la même façon que soi, alors, ils peuvent devenir un groupe soudé. L’intelligence n’a rien à voir avec ce qu’on est, mais avec qui l’on cherche être. Une bande de Deamon parcourant les terres, tous décider à torturer le monde sous les conseils du plus intelligent d'entre eux. Sympathique image. Si un jour j’arrive à mes fins, très chère, vous regrettez la meute Shynnee.Elle hocha la tête.

"Sûrement, oui. Que feriez-vous alors, très cher ? Vous nous tuerez un à un ?"

Elle s'arrêta une seconde pour reprendre.

"Non, vous ferez plutôt régner la terreur, j'imagine. En nous implantant dans la tête que nous ne sommes jamais en sécurité, en tuant ou torturant l'un d'entre nous de temps à autre. Charmante image. "

Elle le regardant en silence pendant quelques secondes.

"Et vous êtes sûre de votre réussite ? Nous ne sommes pas tous d'innocent Eileen. Vous et moi partageons d'ailleur le nom de Démon"

En effet, Mononoké signifiait Démon, Esprit Vengreux en japonais.

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La louve ne manquait pas de répondant. Et le mâle ne put que l’écouter. Il est vrai qu’il n’avait pas forcément des plans pour le future. Il vivait au jour le jour et avait quelques ambitions. Mais qui ne les avait pas ? Cependant, s’il en venait à arriver à ses fins il n’irait pas s’amuser à détruire tous ceux se dressant sur son chemin. Ce ne serait vraiment pas instructif et encore moins drôle.

Il pencha sa tête sur le côté, la regardant avec un air dubitatif. Faire régner la terreur ? Mais à quoi bon ? S’amuser à courir derrière le premier loupiot qui passe sous votre nez pour lui faire la peau, nan, vraiment, ce serait d’un ennui aussi mortel que partager la compagnie des Shynnee. Alors, il se redressa et fit un pas en avant, puis un autre. Le nom de la louve portait la même signification que le sien, même s’il doutait fort des intentions de ses parents quand ils l’avaient nommé de la sorte. Non, ils avaient été loin de se douter qu’il deviendrait un démon fou.

« Si vous le souhaitez et si j’arrive un jour à mes fins, vous serez la bienvenue dans mes rangs. »

Encore un pas de plus, qui le rapprocha dangereusement de la louve. Son regard ne dévoila rien, si ce n’est qu’une lueur dénuée de vie qu’on ne pourrait trouver que dans le regard d’un animal mort.

« Une meute ne peut être composée que de véritable sanguinaires, sinon, autant devenir Shynnee et se prendre pour les rois du monde. Je ne chercherais pas à semer la terreur, ni à tuer pour le simple plaisir de donner la mort. Bien que cela me semble agréable. »

S’il faisait deux pas de plus, il se retrouverait nez à nez avec la louve blanche.

« Je cherche à mener une meute avide de pouvoir. Mais non le pouvoir que tous semblent rechercher pour l’instant. Avoir la plus grande meute, les meilleures terres et la meilleure chance de survie. C’est là que réside le véritable pouvoir, et non dans des contes d’enfant et des légendes ridicules. »

Si elle ne reculait pas, il s’approcherait encore. Et ses intentions n’étaient en rien évidentes, même s’il restait assez sur ses gardes au cas où la louve se déciderait d’agir.

Le mâle tourna la tête sur le côté, lui montrant que ces intentions n'étaient pas ce qu'elle pensait apparemment. Alors que voulait-il faire avec sa meute ? Si vous le souhaitez et si j’arrive un jour à mes fins, vous serez la bienvenue dans mes rangs. Le regard de la louve se rempli de nouveau d'étonnement. Elle avait pourtant l'impression d'avoir montré le camp qu'elle avait choisi. Il se approchait d'elle, encore. Elle ne bougea toujours pas, sur ces gardes. Une meute ne peut être composée que de véritable sanguinaires, sinon, autant devenir Shynnee et se prendre pour les rois du monde. Je ne chercherais pas à semer la terreur, ni à tuer pour le simple plaisir de donner la mort. Bien que cela me semble agréable. La curiosité prît la place de l’étonnement. Oui, il était définitivement plus qu'un sanguinaire. Ça n'était pas plus rassurant, bien au contraire... Un loup simplement assoiffé de sang était facile à comprendre. Lui était apparemment dirigé par autre chose.

Je cherche à mener une meute avide de pouvoir. Mais non le pouvoir que tous semblent rechercher pour l’instant. Avoir la plus grande meute, les meilleures terres et la meilleure chance de survie. C’est là que réside le véritable pouvoir, et non dans des contes d’enfant et des légendes ridicules.Elle scruta son visage en silence pendant un moment. Elle savait qu'elle était en danger, dans un sens, si proche de lui comme ça. Mais elle était trop concentrée sur lui pour se soucier d'elle-même. C'était vraiment rare, de la voir immobile comme ça. Seule sa longue queue blanche battait derrière elle, tantôt lentement, tantôt vite, au rythme de ses pensées. Ses yeux gris étaient perplexes. Son but était, au final, le même que la plupart des dominants : conquérir.

"Je ne recherche pas le pouvoir, et j'ai la liberté que je souhaite dans cette meute. Pourquoi me joindrais-je à vous ?"

Oh, elle pouvait bien voir une ou deux raisons... Comme celle de libérer le côté sauvage de son être, qu'elle se forçait à restreindre la plupart du temps. Son souffle était calme, régulier, mais elle était prête à bondir à la moindre attaque du noir. Pourquoi ne bougeait-elle pas ? Pour ne pas avoir l'air faible, tout simplement.

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Il appréciait attiser de la sorte la curiosité de la louve. Il aurait même pu aimer ainsi paraître mystérieux. Mais il était vide, tel un coquillage de mer dont l’habitant s’était débarrassé. Une enveloppe corporelle ne contenant qu’instincts et comportement naturel.

Et la louve ne bougea pas, ce qui évoquait au loup noir une envie irrésistible de prendre sa chance et de l’attaquer. C’était un sanguinaire, malgré ses propres dires avec lesquels il semblait parfois affirmer le contraire. Il était dirigé par l’envie du sang, comme tous les autres. Seule différence ? Ce n’était pas réellement son envie à lui, mais plus celle de sa folie. Un pas de plus. Elle était bien trop pensive et resta immobile. Le mâle lui devait encore se décider. Tuer ou laisser vivre ?

La question de la louve apporta un point de vue externe à ses plans. Qu’aurait-il, après tout, à proposer de plus ? Qu’importe la meute, il y avait toujours la hiérarchie. Qu’importe la meute, il fallait toujours respecter les rangs des autres. Et c’était tellement commun que le loup se demandait bien s’il souhaitait une telle chose. Mais sans ordre de rang, le chaos règnerait.

« Faites donc usage de votre imagination. »

Dernier pas en avant. Le museau du loup vint légèrement effleurer celui de la louve. Ce n’était pas un geste que même deux amis viendraient faire, mais ce n’était pas non plus un geste affectueux comme le feraient deux loups amoureux. Et le loup qui imitait généralement les autres se trouvait pour la première fois faire quelque chose qu’il n’avait jamais d’abord vu auparavant. Intéressant, non ? Mais le contacte ne dura que quelques secondes, avant qu’il ne se retire en faisant un pas en arrière, sa voix soudainement plus froide.

« Et contrairement à d’autres, je ne dirigerais pas sous de faux semblants. »

Il parlait naturellement de la dominante Enoah, mais ne précisa pas plus que cela ses mots.

Le regard du mâle sur elle n'avait rien de rassurant. Pourtant, elle ne reculait toujours pas. Pour tenter le diable, sûrement. Et puis, elle devait se dire qu'il ne l'attaquerait pas. Il avait, après tout, été très aimable jusque-là. Mais elle savait très bien que c'était stupide de se dire ça : c'était un "fou". Il pouvait très bien être en train de l'amadouer pour mieux lui sauter à la gorge.  

Faites donc usage de votre imagination. Elle pencha la tête sur le côté. Oh, elle imaginait bien ce que ça pouvait être. Dominer le monde, bel objectif. Mais ce n'était pas une vie, ça, dominer le monde. Surtout pour quelqu'un qui n'était pas intéressée par le pouvoir. Ce serait simplement un moyen de passer le temps en se mettant en danger, c'est-à-dire en se sentant vivant, ce qui pour le coup n'était pas si mal.

Deamon fît alors quelque chose à laquelle elle ne s'attendait pas. Mononoké n'avait pas l'habitude des contacts physiques. C'était une itinérante la plupart du temps, et quand elle restait dans une meute, elle était plutôt du genre à observer de loin. Et voilà qu'il lui effleurait le museau. Que voulait-il au juste ? Elle recula d'un pas en même temps que lui, le regardant toujours avec la même curiosité. Et contrairement à d’autres, je ne dirigerais pas sous de faux semblants. La voix du mâle était soudainement plus dure. La sienne restait calme.

"Vous êtes bien étrange."

Puis son visage devant plus sérieux. En se repassant la phrase du Noir dans la tête, elle avait eu une idée. Pourquoi n'avait-il pas été exclu avant si c'était à cause de sa folie ? Que c'était-il passé pour déclencher son exclusion ? Pourquoi était-il soudain froid en parlant clairement de la dominante Ulym ?

"Savez-vous des choses sur Enoah ?"

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Un rictus des plus amusé s’ajouta à l’expression déjà amusé du mâle. La louve avait un pas en arrière, ne s’étant pas du tout attendu à quelconque contact physique. Et le canidé mentirait s’il disait ne pas apprécier ce jeu, un pas en avant, deux pas en arrière. Et malgré ce qu’il était, ce qu’on le disait être, le mâle savait jouer de son air charismatique quand il le fallait. Quand il le voulait.

Et le sujet où ils allaient à présent s’aventurer n’avait rien de particulier. Sauf que le mâle ne comptait pas en dire bien plus. Alors, après avoir brisé le silence d’un ricanement moqueur, il reprit d’une voix aussi froide que distante.

« Je sais tout sur Enoah. Pourquoi donc croyez-vous que je me retrouve banni de la sorte ? »

Mais alors, cela n’avait réellement d’importance. Ce n’était pas son but que créer le doute dans l’esprit des Ulym, même si c’était une bonne occasion pour le faire. Mais la louve n’avait aucune raison de lui faire confiance, après tout. Il était à présent l’ennemi. Lançant un dernier regard à la magnifique louve blanche, il se décida de partir. Quitter le territoire avant qu’il n’en dise de trop. Bien que cela ne soit pas dans ses plans, il était pour l’instant quelque peu perturbé par la présence d’une folie familière.

« Nous nous reverrons, Mononoké. »

Et se détournant de la louve, il ne put voir si oui ou non elle était surprise qu’il connaisse son nom. Mais de toute façon, cela n’avait d’importance, il s’éloigna d’ores et déjà de ce lieu.

D'un ricanement le loup brisa le silence. Je sais tout sur Enoah. Pourquoi donc croyez-vous que je me retrouve banni de la sorte ? Mononoké était perplexe. Qu'avait bien pu faire la dominante... Maintenant, elle doutait de la confiance qu'elle pouvait mettre en elle. D'un autre côté, pouvait-elle faire confiance au mâle noir ? Non. Elle devait se faire une idée d'elle-même. Si elle croisait la dominante, il y avait de grande chance qu'elle la questionne, elle qui ne retenait que rarement ses paroles. Cela risquait de la mettre dans un position bien étrange, d'autant plus qu'elle connaissait à peine l'Alpha.

Nous nous reverrons, Mononoké. Elle le regarda s'éloigner. À bientôt, loup noir. Elle se mit aussitôt à trottiner, sans but particulier. Étrange rencontre, qui avait plus qu'attisé sa curiosité. Si tout le monde était aussi intéressant que lui, il y avait de grande chance qu'elle reste sur ces terres.