Let's have fun, my way [Bloody Mary]

Le soleil s’était déjà couché depuis un bon moment, laissant place à la lune pour se dresser dans le ciel. Il faisait nuit et froid. Ça sentait l’hiver à pleine truffe. J’étais encore au sein du camp de la meute. Plusieurs loups dormaient déjà, collés entre eux afin de se tenir au chaud. Tout le monde semblait être calme et apaisé. Allongée devant ma tanière, je regardais tout le monde. Je les voyais tous. Les jeunes loups en train de jouer d’un pur ridicule, les couples se frotter l’un à l’autre avec leur tête. Eurk. Ça me donnait envie de recracher ce que je venais de manger. Agacée par ce que je voyais autour de moi, je décidais de me lever et de partir. Je ne serais pas loin, simplement dans les territoires voisins pour faire un tour. Voir si tout allait pour le mieux et regarder, par la même occasion, si un loup autre qu’un Shynee rôdait sur nos chers territoires. Partant à l’aventure au petit trop, je m’éloignais de notre petite meute, plongeant dans la plus sombre des obscurités. Je ne savais pas par où commencer. Puis j’ai suivis mon instinct, en direction de l’angaband emerandu. C’est comme si quelque chose m’avait appelé par là-bas. Comme si quelque chose m’attendait. Plus j’avançais au trot, plus l’excitation dans mon cœur montait. C’était certain, il y avait quelque chose. Mais j’ignorais tout. Cela pouvait être un ours. Une proie. Ou encore un loup mystérieux. Qui sait. Je finirais par le découvrir, coûte que coûte.

J’ai finis par passer à un pas calme et lent. Je voulais prendre mon temps et faire durer le suspense rien que pour moi. Après quelques pas, je m’arrêtais net. L’odeur. L’odeur du loup. D’un loup, plus précisément. Et ce n’étais un Shynee. Il puait le loup banni à pleine truffe. Je jetais mon regard vers le ciel. Un épais nuage masquait la douce lumière de la lune, ce qui m’empêchait de voir ce qu’il m’entourait. Je ne voyais que les ombres des arbres. Le léger souffle glacial qui m’enveloppait petit à petit. Puis le nuage se dissipa tout en se déplaçant. Bingo. À la grande surprise, je voyais un loup allongé sur le sol. Mais difficile de voir si s’en était bien un, le pelage de l’animal était aussi noir que l’ébène. C’était pratiquement illisible. Heureusement que mon flair était là. Je m’approchais de lui, lentement et en faisant le moindre bruit possible. Puis une fois que j’étais assez proche de lui, je me redressais sur mes pattes. C’était bel et bien un loup. Que venait-t’il faire ici ? Les bannis ne sont pas la bienvenue ici. Retournant mes oreilles légèrement en arrière, je n’allais certainement pas me gêner pour le réveiller.

- « Hé toi ! ... Qu'est-ce que tu fous ici ? », avais-je dis de ma voix haute et dure.

Je n’allais certainement pas attendre qu’il se réveille. Au contraire. Il allait vite se réveiller et aller roupiller ailleurs, pour le bien de tout le monde. La légère lumière que procurait la lune reflétait d’une façon fantômesque sur mon pelage. Mes yeux avaient l’air d’être deux diamants. À qui la faute. Ils étaient tellement clairs.

J’attendais. J’attendais une réponse de la part du vagabond qui, d’ailleurs, ne devait même pas traîner très longtemps ici. Si ce n’est pas moi qui m’occupe de lui, ce sera les autres. Et eux, ils n’ont aucune pitié. Tout comme moi. Je continuais de le regarder de mes yeux clairs, ne le lâchant pas. Le loup noir finit par relever le regard sur moi. Avec le peu de lumière que procurait la Lune, je voyais l’ombre d’un regard orangé qui tirait légèrement sur le doré. Un regard perçant dès que la lumière se posait sur son museau. Mais très vite, un nuage cachait à nouveau cette lumière en se plaçant devant la Lune. J’avais l’impression d’avoir vu le visage d’un loup fantôme. L’ambiance qui m’entourait me plaisait bien. J’aimais tout ce qui était sombre. Je me préférais mieux ici que dans la lumière. Même dans la plus grande obscurité, je voyais une légère mine moqueuse sur son museau. Rien que ça, ça me donnait envie de le foutre dehors sans discuter.

- « Tu as des yeux, fais-en usage. »

Qu’il est charmant – ironiquement, bien sûr –. Baissant légèrement la truffe vers le sol, mon regard continuait de le scruter. J’observais ses moindres gestes. Je n’avais aucunement l’envie de partir avec l’idée qu’un vagabond dort parmi les territoires des Shynee. J’ai le devoir de surveiller quoi que ce soit et de protéger la meute. Même si je m’en fichais pas mal du dominant. Pour moi, c’était un loup comme tous les autres. Il avait simplement le pouvoir sur la meute. Mais pas sur moi. Fenrir. C’était son nom. Il résonnait dans ma tête. Et rien qu’à l’entendre dans mon crâne me donnait envie de m’acharner sur quelque chose. Je pouvais aussi quitter la meute. J’avais le choix. Mais il se trouve que mon frère est ici. Et en aucun cas je ne l’abandonnerais. Fronçant légèrement du regard, je finis par lui répondre d’un ton sec et légèrement rauque.

- « Pardonne-moi, vagabond. J'avais simplement vu un déchet couché au pied d'un arbre. »

J’avais peut-être été un peu fort sur le coup. Tant pis. Je ne possédais aucun sens du respect. Je restais droite devant lui, les oreilles pointées, la queue basse et un regard dur.

La lune se trouvait haut dans le ciel, continuant d’illuminer légèrement les territoires. La nuit. C’était une chose que j’appréciais. L’obscurité mais aussi toutes les sensations que je pouvais ressentir, c’était une chose dont je ne m’en passerais jamais. Évidemment, je gardais ça pour moi. Je ne voulais pas que les autres sachent ce que j’apprécie. Une chose dure et impossible à faire, pour ma part. J’ai toujours aimé caché mes sentiments. Garder ces choses secrètement. Si je commençais à le dire, je perdrais lentement la réputation de la chieuse des Shynee que je suis. On ne m’avait pas surnommé ainsi pour rien. Et je trouvais que ce surnom me collait bien à la peau. Bloody Mary n’est qu’un nom. Une simple et courte identité que tout le monde peut savoir. Mais le surnom est bien plus, à mes yeux. Je ressentais à nouveau le sentiment d’être forte, quand je l’entendais. Je me sentais à nouveau revivre, en quelque sorte. D’être une autre louve bien plus intelligente et puissante. La légèrement brume m’entourait toujours, rendant ma vue presque illisible envers le vagabond au pelage noir. Il était toujours couché. Là. Devant moi. Avec son regard perçant l’obscurité. Le silence continuait de planer et, pour ma part, je ne le lâchais pas du regard. Le museau légèrement froncé, je gardais aussi mes oreilles légèrement baissée vers mon crâne. J’observais chacun de ses gestes. J’écoutais chacun de ses mots. Soudainement, il dégageait un ricanement cynique. Un ricanement je n’étais pas prête de l’oublier d’aussitôt.

- « Bien que vous possédez un certain répondant, votre manque d’imagination est fastidieux. Mais ne vous inquiéter pas, vous êtes pardonnez, très chère. »

Mes oreilles s’étaient relevées toutes seules. Je sentais bien que ses mots n’étaient que poussière. Il n’était pas sincère, surtout venant d’un vagabond pareil. Mais je devais avouer que j’aimais bien son jeu. Un jeu auquel je rentrerais et que je gagnerais. Lentement, je redressais un peu plus ma tête en relevant mes oreilles blanches, prenant un air contrarié. Juste comme ça, pour mon pur plaisir. Puis, pour finir, j’avais presque un regard légèrement moqueur. Une mine moqueuse prenait forme petit à petit sur mon visage.

- « Eh bien, eh bien. J'ai bien plus d'imagination que vous, vous savez ? », disais-je avec une voix exagérée. « Maintenant je te prie de quitter ces terres. Si ce n'est pas moi qui te fait dégager, ce sera les autres. », enchaînas-je avec une voix plus sèche, ne rigolant plus.

Ce n’était pas vraiment une menace. Mais plutôt une mise en garde. Après tout, ça ne sera pas mon problème s’il se réveillera avec d’autre Shynee autour de lui, pensant la même chose que moi. Je continuais de le fixer, reprenant peu à peu mon air sérieux, comme celui d’avant.